Ambient, Dark-Ambient

Bonjour,
A la base pas trop friand de ce genre de musique, j'ai fait la découverte il y a quelques jours de l'album Selected Ambient Works Volume 2 de Aphex Twin. Ce grand nom de l'électro, a sorti en 1994, ce chef-d'oeuvre de dark-ambient, et je le découvre 19 ans plus tard, bouche bée. Je ne peux plus m'en passer depuis une bonne semaine, il ne me lâche plus, je l'écoute en boucle ! Alors, si vous ne connaissez pas, je ne vous le conseille pas, au risque d'en devenir complètement fou et dépressif tellement c'est sombre ! Si vous connaissez, je veux bien des conseils d'écoutes d'albums de dark-ambient !

Il faut aussi que j'écoute Fripp/Eno qui a fait de l'ambient, mais je ne sais pas trop à quoi ça ressemble ! Il me semble que Monsieur de Rastignac est pas mal calé sur le duo. Des conseils ?

Il n'est jamais trop tard pour découvrir un chef d’œuvre, les grands disques savent toujours attendre attendre leurs auditeurs. C'est vraiment un excellent choix que d'insérer "Selected Ambient Works, Vol. 2" dans son mange-disque...

Alors, n'y connaissant rien du tout en Dark/Ambient (que quelqu'un vienne au secours !), et pour coller malgré tout à la thématique, je me permets donc (si pas déjà fait) de te recommander très chaudement l'album suivant, "I Care Because You Do", trait d'union entre la première vie d'Aphex Twin (les débuts Ambient/Acid House) et le Drill N' Bass expérimental du "Richard D. James Album"; toutefois, il n'est pas garanti que tu l'apprécies, l'écoute est à double tranchant: en général, les fans/puristes préfèrent soit l'un soit l'autre et ont tendance à négliger "I Care...", trop "cul entre deux chaises" selon eux.
Moi ça m'arrange, je n'ai pas à choisir entre l'un ou l'autre, il conserve le meilleur des deux mondes (le goût pour les nappes planantes Ambient des "SAW" et l'aspect joyeusement foutraque, sombre et torturé de la suite) et plus simplement le meilleur de ce que j'aime chez Aphex Twin. Il peut éventuellement te plaire aussi...
Cela dit, il m'est de toutes façon bien difficile de départager les cinq albums studios du cornouaillais (oui, parce que j'aime beaucoup "Drukqs" et j'en suis fier !), sans compter les EP qui s'avèrent souvent indispensables...

Citation :

Il faut aussi que j'écoute Fripp/Eno qui a fait de l'ambient, mais je ne sais pas trop à quoi ça ressemble ! Il me semble que Monsieur de Rastignac est pas mal calé sur le duo. Des conseils ? Smile

Ah, "calé" est un assez grand mot pour désigner si peu de connaissances ! Pour ce qui est des collaborations entre Fripp & Eno, je dois dire que c'est assez délicat à décrire sans s'éparpiller, tout en restant le plus concis et intelligible possible (le plus dur étant surtout de ne pas dire trop de conneries). Bon, je vais quand même tenter le coup, mais je ne promets rien pour la taille du truc !

Alors concrètement, dans le monde merveilleux de Fripp & Eno, on nage en plein dans l'ambient électronique des années '70's; la musique enregistrée par nos deux lascars emprunte autant à l’École de Berlin qui sévit Outre-Rhin à la même époque (la dimension orchestrale/symphonique des germains en moins), qu'aux premiers albums de Terry Riley (il suffit d'écouter "A Rainbow in Curved Air" ou "Persian Surgery Dervishes" pour s'en convaincre): en gros, on a affaire à une musique électro statique (rires!) très épurée qui peut tenir pendant vingt minutes avec assez peu d'éléments (procédé dont Klaus Schulze a fait son fond de commerce depuis 40 ans), tout en conservant un côté très hypnotique/répétitif à la Riley, justement...
Pour faire court, les deux premiers albums sont assez différents entre eux, le premier étant plus froid et mécanique là où le second est plus chaleureux et organique, dans le cadre de la musique électronique s'entend. Je fais un petit topo afin de tenter d'expliquer brièvement ce qui constitue ces deux opus...

Leur premier album, "No Pussyfooting", n'est ni plus ni moins qu'un morceau historique dans le patrimoine des musique électroniques. C'est bien simple, il y a déjà tout sur ce disque, et tout ce qui découle (ou presque) directement ou indirectement de cet album n'est que circonvolution autour de la formule qui a été accouchée ici...
Pour la petite histoire, le disque a été mis en boite dans le home-studio de Brian Eno, après que ce dernier ait invité Fripp à passer chez lui fin 1972: on connait la suite...
Et pourtant dans les faits, il faut bien dire que l'album est surtout le bébé de Fripp; Eno n'ayant pas participé au processus de "composition" de cet objet musical, il joue plus les utilitaires qu'autre chose et son rôle consiste surtout en l'application de traitements divers sur les bandes (comme retirer/ajouter des morceaux de bande, les superposer, rajouter des effets, etc...). Du coup, le disque se retrouve entièrement dominé par la guitare de Fripp (qui s'amuse comme un gosse avec son joujou), et reste aujourd'hui la meilleure vitrine pour ce qui est de l'utilisation des fameux Frippertronics (l'ingénieux système de delays à bandes utilisé par Fripp dans les '70's, en particulier sur le "Heroes" de l'autre). Un premier disque certes génial, mais assez hermétique quand même: il faut être dans de bonnes conditions pour pouvoir bien y goûter.
Cependant, il faut absolument l'écouter au moins une fois, ne serait-ce que par rapport à la démarche brillamment exposée ici; et puis, parce qu'il se trouve un peu à la source de tout ce qui vient par la suite...

Le second, "Evening Star", est plus immédiat que son prédécesseur, puisqu'il applique d'une certaine façon la formule qu'Eno reconduira en solo à partir d'"Another Green World" (c'est à dire, des formats de morceaux plus courts et plus ramassés, centrés sur la recherche de climats): justement, ces deux albums ont en commun d'être relativement faciles d'accès et structurellement plus simples; on parle souvent et à juste titre de Pop Ambient pour désigner la musique enregistrée sur "Another Green World", qualificatif qui peut également s'appliquer sans problèmes à "Evening Star". D'ailleurs, l'apport d'Eno sur cet album est beaucoup plus conséquent, puisqu'il met cette fois la main à la pâte et participe à la relative simplification de l'ensemble, tempérant les ardeurs de ce givré de Fripp et du même coup allégeant quelque peu l'ensemble.
Personnellement, j'aime beaucoup l'ambiance qui se dégage de ce disque, tour à tour rêveuse, dépouillée, nostalgique et bucolique (la pochette avec ses tons oranges et violets est assez évocatrice, ça fait penser à un coucher de soleil).
Et c'est donc tout naturellement celui-ci que je serais tenté de te conseiller en premier. Une très belle réussite...

En revanche, je n'ai jamais écouté les deux derniers disques, bien plus récents (sortis 30 ans plus tard) et certainement différents de leurs illustres prédécesseurs.
Cela dit, à titre personnel, même si j'imagine que la lutherie utilisée par Fripp a du laisser place à une électronique plus sophistiquée, avec un bon gros rack d'effets des familles et des tonnes de Soundscapes ouatés, et que depuis cette époque Brian Eno a beaucoup moins de cheveux sur le crane que sur la pochette de "Taking Tiger Mountain (by Strategy)", ça doit très sensiblement être la même chose...

Pour Aphex, j'ai découvert I Care Because You do en même temps que SAW2 ! J'ai commandé les deux ainsi que Drukqs hier (dont je ne connais rien du tout à part que c'est un album complètement barjot). Le reste, connais pas, mais ça doit être tout bon !

Pour Fripp et Eno, juste merci d'avoir pris quelques minutes pour faire une description superbe, qui me donne plus que jamais l'envie d'écouter les albums de ce duo ! Faut vraiment que j'écoute, ça m'a l'air énorme !

De rien, tout le plaisir est pour moi ! J'aime bien faire ce genre de petit topo en plus, me mettre devant mon écran et commencer à réfléchir à ce genre de trucs.
Je suis pressé de lire tes impressions quand tu l'auras écouté, si ce n'est pas déjà fait d'ailleurs...

Citation :

Pour Aphex, j'ai découvert I Care Because You do en même temps que SAW2 ! J'ai commandé les deux ainsi que Drukqs hier (dont je ne connais rien du tout à part que c'est un album complètement barjot). Le reste, connais pas, mais ça doit être tout bon !

En général sur album, la qualité est toujours au rendez-vous chez Aphex Twin, même (et surtout, serais-je tenté de dire) sur "Drukqs" dont je persiste à croire qu'il a globalement été très mal compris par les fans. Il a pourtant pas mal de qualités à faire valoir, et possède son petit lot d'innovations (comme l'introduction du piano préparé sur les morceaux Ambient).
M'enfin, il y a toujours une tête de turc dans la discographie de tous les groupes/artistes, et chez Aphex Twin c'est celui-ci...

En revanche, pour les EP et les Singles, c'est un peu plus fluctuant avec de l'excellent à placer au même niveau que les albums ("Digeridoo", "Girl/Boy"), du bon ("Windowlicker", "Come to Daddy"), et du dispensable ("Ventolin"). Là aussi, il y en a masse, et j'en connais pas la plupart (beaucoup sont assez durs à trouver)...

Et si tu adores Richard D. James et que tu es toujours aussi insatiable en ce qui concerne ton artiste fétiche, parmi tous ses différents avatars je préconise "Pac-Man" de Power-Pill (oui, un remix Techno du célèbre jeu d'arcade classique de Namco, assez marrant à écouter), "Expert Knob Twiddlers" de Mike & Rich (avec sa pochette rigolote, qui ressemble à une photo de boite du "Dix de Chute" de MB), sans oublier les excellentissimes "Surfing on Sine Waves" et "Quoth" de Polygon Window (aussi bons que les meilleurs Aphex Twin, c'est dire le niveau)...

Polygon Window m'intéresse donc beaucoup !

Je découvre de nouvelles choses en Ambiant et Dark-Ambiant, petit topo des dernières écoutes (pas mal de claques) :

Pour commencer, les deux grosses claques du moment :

Taiwaskivi de Halo Manash, groupe finlandais de dark-ambiant avec toujours quelques touches de mysticisme, je crois que c'est le terme. L'album est très sombre (en même temps, quand on écoute du dark-ambiant...) et la musique est en constante (re)construction, c'est-à-dire qu'elle part d'un thème qui s'accentue à chaque fois, qui multiplie les sons de manière à ce qu'on ne s'ennuie jamais. Un très grand disque ! Et à noter : la packaging est vraiment très original : fait en carton recyclé, qui s'ouvre par derrière avec tous les côtés qui se déplient pour laisser apparaître le cd dans un pochette en plastique et qui laisse voir, une fois qu'on a retiré le cd, un dessin d'un paysage, et les titres des morceaux. Dépêchez-vous de vous le procurer, il ne coûte que 12 euros et il est limité à 500 copies !

Excavation de The Haxan Cloak, musicien allemand de dark-ambiant toujours. Il signe ici son deuxième opus qui, comme le laisse paraître la pochette, est encore plus sombre que le précédent, éponyme. Tout l'album est un voyage dans le monde du musicien qui n'a pas l'air bien joyeux. Le tout est très cohérent, et il n'y a pas un temps mort. Le morceau le plus marquant est à mon sens le final qui monte en puissance avec son violoncelle tonitruant et son rythme entêtant qui tient en haleine l'auditeur sur près de 13 minutes pour le laisser bouche-bée. Un chef-d'oeuvre sorti il y a tout juste un mois et qui va, à coup sûr, s'imposer comme un des albums marquant de l'année.

J'écrirai la suite de mes aventures de musique pour fous plus tard, quand j'aurais bien assimilé le reste de mes derniers achats.